
A l’occasion de la publication du deuxième Observatoire de l’expatriation Banque Transatlantique / OpinionWay ce 8 avril, la parole a été donnée aux Français établis hors de France pour connaître leurs ressentis face à la crise Covid. L’occasion d’évoquer le modèle de l’expatriation et son avenir sur le long terme lors d’une table ronde entre Albin Porquez, PDG d’Executive Relocations, Vincent Joulia, membre du Comité exécutif en charge de l’international au sein de la Banque Transatlantique et Lucie Brunel, responsable recrutement et mobilité chez Mazars.
« Être à l’écoute des expatriés et entendre ce qu’ils disent de l’expatriation et de la France ». Tel est l’objectif que s’est lancé la Banque Transatlantique et OpinionWay en menant une consultation internationale de grande ampleur auprès des expatriés français répertoriés dans la base de l’Union des Français de l’étranger (UFE). Une édition exceptionnelle après une année 2020 marquée par la crise Covid.
Selon l’Observatoire, 48% des personnes interrogées estiment que la crise a été difficile à vivre, notamment du fait de l’éloignement de la « Mère Patrie ». Sur le plan professionnel, 7% d’entre eux ont perdu leur emploi et 23% ont perdu tout ou partie de leurs revenus. Par ailleurs, de fortes différences de perception apparaissent selon la zone géographique d’expatriation. Les expatriés dénoncent à 63% la mauvaise gestion de la crise en Amérique Centrale et du Sud.
Des disparités selon les pays et les secteurs
« Le degré de difficultés varie vraiment en fonction des pays », a reconnu, lors de la table-ronde, Albin Porquez, PDG d’Executive Relocations, spécialisé dans la gestion pour le compte d’entreprises de la mobilité internationale des salariés. En Asie et en Amérique centrale et du Sud, les expatriés ont connu de réelles contraintes liées à la gestion de la pandémie par les autorités. « Les familles ont été rapatriées rapidement dans un premier temps, puis un rapatriement général a été acté dans les semaines suivantes », a-t-il expliqué. En dehors des disparités de zones géographiques, certains secteurs ont été plus touchés que d’autres, comme l’automobile en Chine ou au Brésil. « Mais dans les domaines de la recherche, de la banque, de l’alimentation par exemple, les expatriations ont continué », a assuré Albin Porquez.
Lucie Brunel a reconnu de son côté qu’elle constatait bien un ralentissement des expatriations, notamment du fait des lourdeurs de plus en plus fortes en termes administratifs. « Il existe une certaine frilosité de certains pays d’accueil sur le manque de visibilité économique actuelle, a assuré la responsable recrutement et mobilité chez Mazars. Les procédures administratives sont rallongées et se sont complexifiées ».
Le besoin d’un soutien plus fort de la France
Malgré tout, 81% des actifs estiment que leur entreprise a bien géré la crise sanitaire et 63% reconnaissent que leur pays d’accueil a fait le nécessaire pour maintenir les emplois pendant la pandémie. Concernant leur lien avec la France, 40% des actifs affirment qu’ils auraient voulu bénéficier des mêmes aides que celles des salariés et entrepreneurs métropolitains. C’est notamment le cas des expatriés situés en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie.
Pour Albin Porquez, les difficultés ont été fortes pour les Entrepreneurs Français à l’Étranger (EFE), ces sociétés de droit étranger, sans lien juridique ou fiscal avec la France et donc dans l’impossibilité de bénéficier des aides françaises. « Pour pallier cette situation, les CCI et les conseillers du commerce extérieur ont créé une structure internationale, EFE International, destinée à aider les entrepreneurs en leur apportant l’aide d’investisseurs, des soutiens sur le plan administratif et un dispositif pour leur faire bénéficier du système de VIE promu par Business France », a-t-il précisé.
L’expatriation, en pleine mutation ?
Pour autant, l’expatriation reste plébiscitée. Selon l’étude, 90% des personnes interrogées se disent satisfaits de leur expatriation malgré ce contexte. 84% recommanderaient même cette expérience. Reste que l’expatriation pourrait changer de visage à l’avenir. Trois quarts des expatriés déclarent que la crise remet en cause les déplacements des personnes sur le long terme (78%), ainsi que la mondialisation et son modèle (77%). « Les employeurs auront tendance à davantage individualiser les demandes en fonction des caractéristiques des pays d’accueil (éloignement de la France, état du système de santé, finances publiques, estime Vincent Joulia, membre du Comité exécutif en charge de l’international au sein de la Banque Transatlantique. On peut prévoir une plus grande différenciation des politiques d’expatriation en fonction des pays ».
Albin Porquez constate que l’envie de partir est toujours bien présente, notamment du côté des jeunes, avec une hausse des demandes de VIE de 30% en 2020 pour atteindre 80 000 candidatures. 60% des personnes interrogées dans l’étude OpinionWay comptent rester dans leur pays d’accueil et 1 répondant sur 3 envisage un retour en France à terme.
Néanmoins, la forme que prend l’expatriation varie. « Les cadres veulent s’expatrier, mais moins en famille, car le système médical français a montré son efficacité pendant la crise, assure-t-il. Le principe de précaution se met en place dans les entreprises pour des raisons liées à leur responsabilité professionnelle ». Reste à attendre, d’après lui, les résultats des campagnes de vaccination dans le monde et la reprise des échanges internationaux pour voir naitre de réelles tendances dans les deux années à venir.
La France continue de rayonner dans le monde
La crise sanitaire n’a pas freiné le rayonnement de la France à l’étranger, d’après l’étude. Les expatriés estiment que la gastronomie (77%) et la culture (75%) contribuent le plus au rayonnement de la France. Le système de protection sociale (51%) et le système scolaire (24%) restent également les étendards d’une certaine exception française. Sur le plan économique, la France tient sa place sur la scène internationale, selon les répondants, dans les domaines du vin, du luxe ou encore du tourisme. Les grandes marques françaises du luxe ou de l’automobile apparaissent comme des vitrines essentielles à l’image de la France dans le monde. « Plus il y aura d’expatriés français dans le monde, plus cela contribuera au rayonnement de la France, conclut Albin Porquez. Expatriés et entrepreneurs constituent le fer de lance du commerce extérieur français ».
Ce qu’il faut retenir :
– 48% des Français vivant à l’étranger ont jugé la crise sanitaire difficile à vivre
81% des actifs estiment que leur entreprise a bien géré la crise sanitaire
– En période de crise, les expatriés ont besoin du soutien de la France
– 90% des Français de l’étranger se disent satisfaits de leur expatriation
– trois quarts des expatriés estiment que la crise remet en cause les déplacements de personnes sur le long terme (78%) et la mondialisation et son modèle (77%)
– L’expatriation est en pleine mutation, notamment avec moins de départs de familles pour des durées plus courtes et une prise en compte du principe de précaution plus importante